La nuit du 8 août 2011 = « we’re fucking law, we’re fucking autority! » part2

Habités par le diable ! habités par la haine, de pulsions destructrices, de satisfaction immédiate, voulant nous conduire dans leur monde anarchique où cependant règnent les lois de la rue, régies par les gangs.
Quelles étaient leurs motivations ? Diverses, incohérentes, floues, sans aucun sens. Aucune conviction ne semblait guider leurs actes. J’ai pensé, qu’il serait aisé pour moi, sorte de bombe à retardement, de m’immerger mentalement dans la  peau d’un « looter » ; mais l’exercice ne fût pas aussi simple que je le pensais. Il me fallait me dessaisir temporairement, de mon sens moral, qui venait sans répit contrarier le moindre fantasme d’acte criminel que je pourrais commettre,  – mettre ma bonne conscience « on standby ».
Je me suis donc vue, moi Vero, avec une bande de teens tous plus surexcités les uns que les autres à l’idée de pouvoir se servir sans passer par la caisse, et remporter chez soi toutes sortes d’objets de consommation. Je me suis vue aidée de mes pairs, me déchaînant sur des vitrines, à coups de pieds, de pierres, de battes de cricket puis, entrer dans les magasins sans éprouver le moindre sentiment de peur, n’entendant plus les alarmes assourdissantes se déclenchant sur notre passage, mettant à sac tous les rayons avant de ressortir les bras encombrés par nos trophées, bousculant furieusement les témoins éberlués par les scènes de violence que nous leurs offrions. Des gosses de 10-11 ans nous suivait et nous mimaient tout en projetant des torches d’essences dans les boutiques, la rue, les poubelles, les voitures, sur tout ce qui pouvait cramer. Cela faisait diversion et nous permettait de nous enfuir pour renouveler plus loin nos actes de surpuissance. Entre temps, nous partions refourguer notre butin à ceux restés en retrait puis s’enfuyaient planquer la manne d’or, tout en slalomant entre les hasardeux passants, jouant au chat et à la souris avec les cops, insultant la terre entière tout en riant diaboliquement. Nous semions la terreur et cela nous enivrait, quelques gorgées d’alcool provenant d’une boutique de spiritueux, une ligne de coke. Nous foncions sur les cops, qui ne pouvaient rien contre nous, sur nos victimes effrayées s’efforçant de protéger leur bien. Nous étions invincibles, maîtres de quartiers enflammés. Le phénomène de groupe nous entrainait, nous étions à la  fois leaders et suiveurs. Nous étions nombreux, nous étions la Force. Je ne ressentais plus rien si ce n’est un sentiment de toute puissance. Mes actes n’étaient nullement réfléchis. Bien qu’ ayant mis au point quelques stratégies de pillage, de repli et autres, nous les accomplissions de « façon animal » ; nous n’étions qu’une horde de « pulsions sur jambes ». Je m’entendais crier « I’m fucking law, I’m fucking autority I’m fucking you! ». Nous chantions, nous riions et plus nous prenions conscience de la terreur que nous provoquions, nos rires et nos actes devenaient de plus en plus pervers, malicieux. Oh pas cette malice d’enfant, de laquelle on peut rire.
« Fuck autority, fuck cops, fuck you, – fuck our frutrations! » Nous avons défié la loi, les cops, le pays entier en pillant, saccageant, blessant sans états d’âme. Nous avons mené « notre guerre », mais nous aurions pu faire pire! où mieux beaucoup mieux. Puis nous sommes rentrés chez nous, le coeur rempli de bonheur devant un laptop piqué à PCWorld. Nous nous sommes parfois frittés sur le partage du butin, certains ont repris de la coke, d’autres se sont lamentablement écroulés jusque tard le lendemain, près à repartir au front le soir venu. Mais tous, nous sommes indignés en regardant la BBC retransmettre les images de la nuit, ou ces « bastards » nous traitaient de criminels. Je ne sais pas comment nous arrivions à nous reconnaître sur ces images, planqués sous nos doudounes, capuches remontées, la moitie du visage cachée sous un foulard ou col cheminée. Il est arrivé que des portes d’appartements soient enfoncées par les cops venant cueillir les rioters sagement endormis, trahis par les CCTVs ou leur numéro de black Berry. Quelques uns s’étaient empressé de vanter, via Twitter ou Facebook, auprès des lâches restés chez eux, leurs performances de la nuit passée ; propos lus et enregistrés par les cops, ces sales espions qui connaissaient un petit nombre d’entre nous, ou après avoir été dénoncés par des envieux sans couille.
Comme tous, je suis rentrée chez moi, me suis endormie après avoir fumé un bon pétard de weed, tout en reluquant le trésor acquis grâce à mon courage ; Ma Propriété. Je ne sais plus comment était mon sommeil mais je me suis réveillée la gueule en vrac. Retrouvant lentement un peu de lucidité, contemplant à nouveau le gain de ma nuit, je me suis sentie frustrée. J’avais pillé, volé, laissé libre cours à toute l’expression de cette putain de colère qui m’habite, mais je n’étais pas revenue avec les objets de mes rêves : les derniers appareils photos Canon et Nikon ainsi que toute leur gamme de d’objectifs. Je m’étais pourtant bien juré de profiter de l’occasion pour acquérir ces appareils à plus de 15oo pounds chacun. Fuck!
Soft résumé de mes fantasmes d’éventuel looter ( bien loin de l’horreur de la réalité ). Ne me demandez pas pour pourquoi j’ai participé ; je n’en sais rien. J’ai laissé parler ma colère, celle qui au quotidien me parasite, me détruit. Colère contre qui, contre quoi ? Contre tout.
* Rioter : émeutier
* Looter : pilleur
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2 commentaires pour La nuit du 8 août 2011 = « we’re fucking law, we’re fucking autority! » part2

  1. Anonyme dit :

    trés bon article

  2. Marco dit :

    Je lis régulièrement vos articles et je suis touché par la sincérité de ce que vous écrivez. Vous cherchez à comprendre ce qui pour moi est incompréhensible parce que je pense que les adolescents que vous décrivez sont des délinquants. Mais vous ne vous arrêtez pas là. Vous bousculez les idées reçues avec des mots simples qui parlent à tout le monde. Depuis que je vous lis j’essaie de me remettre en question face à mes enfants. Merci et écrivez plus souvent.

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